Février a marqué un point tournant potentiel pour la prévention du VIH lorsque Santé Canada a approuvé Truvada en prophylaxie préexposition (PPrE); il s’agit de la toute première approbation d’un médicament pour cette indication au Canada.
La prophylaxie préexposition, ou PPrE, consiste à administrer quotidiennement des médicaments anti-VIH aux personnes exposées à un risque élevé de VIH afin de réduire leur risque de contracter le virus. Alors que Truvada a au départ été approuvé au Canada en 2006 pour le traitement du VIH, il s’est révélé capable de réduire de plus de 90 % la transmission du VIH lorsqu’il est administré quotidiennement. D’autres travaux tirés d’études cliniques, y compris le CTN 268 (essai IPERGAY de l’ANRS), ont aussi démontré que le médicament offre la même efficacité lorsqu’il est pris « à la demande » par des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
Truvada est le premier médicament approuvé pour la PPrE, mais d’autres agents devraient être autorisés dans un avenir rapproché. Fait à noter, l’efficacité de Truvada ne peut pas être garantie. Une dose quotidienne et l’adoption de pratiques sexuelles sécuritaires (p. ex., utilisation du condom) sont fortement recommandées pour réduire le risque de contracter le VIH ou d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS).
En réponse aux changements constants dans ce domaine, les principaux organismes subventionnaires et réseaux de recherche sur le VIH ont proposé la création d’une équipe nationale de chercheurs pour coordonner l’expansion des initiatives de PPrE au pays. Les organismes impliqués incluent la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR), le Réseau ontarien de traitement du VIH (OHTN), le Centre d’action des IRSC sur le VIH/sida (REACH 2.0) et le Réseau canadien pour les essais VIH (Le Réseau) des IRSC.
Les objectifs de l’équipe de recherche incluront l’expansion des initiatives de recherche existantes, l’optimisation de l’utilisation à long terme des agents de PPrE, la promotion d’un accès équitable et informé et l’évaluation de la dimension économique et du rapport coût : efficacité des agents nouveaux et existants.
Investigateur du Réseau, le Dr Darrell Tan consacre à la PPrE une majeure partie de son programme de recherche clinique. « L’approbation de la PPrE par les instances de réglementation au Canada est une importante première étape en vue d’une mise à l’échelle adéquate de cette stratégie de prévention du VIH fondée sur des données existantes », affirme le Dr Tan, qui participe également à l’heure actuelle à l’élaboration de lignes directrices nationales pour l’utilisation de la prophylaxie préexposition (PPrEp) et prophylaxie post-exposition « non professionnelle » (PPEnp). Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le cadre d’un panel de discussion lors du Congrès de l’Association canadienne de recherche sur le VIH/sida (ACRV) en mai.
« Il y a encore beaucoup à faire pour sensibiliser les gens aux situations où la PPrE convient le mieux et sur la façon de l’utiliser adéquatement avec d’autres stratégies de prévention du VIH », rappelle le Dr Tan.
Même si l’utilisation de Truvada en PPrE a été approuvée, il faudra approfondir la recherche et les vérifications pour s’assurer d’administrer des soins optimaux fondés sur des preuves et maximiser l’efficacité de ce nouvel outil. Les questions auxquelles il faut encore répondre sont notamment : Comment offrir un accès équitable aux communautés les plus à risque? Comment renseigner efficacement les professionnels de la santé et les candidats à la PPrE? Comment identifier les obstacles à l’accès et à l’observance thérapeutique afin d’établir une logistique propice à une utilisation à long terme de la PPrE?
À ce jour, CANFAR et l’OHTN se sont engagés à verser un financement initial pour une recherche nationale en collaboration avec REACH 2.0, et le Réseau est prêt à fournir un soutien additionnel au chapitre des infrastructures.
L’approbation de Truvada pour une utilisation en PPrE par le gouvernement fédéral est une étape encourageante et novatrice dans la lutte nationale contre le VIH. Alors que d’autres médicaments feront leur apparition pour la PPrE, il sera essentiel de veiller à une bonne coordination et coopération entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les groupes communautaires pour assurer un accès adéquat et maintenir un soutien à long terme aux personnes exposées à un risque élevé à l’égard du VIH.
Les lignes directrices canadiennes pour l’utilisation de la prophylaxie préexposition (PPrE) et post-exposition « non professionnelle » (PPE) seront finalisées plus tard dans l’ année.